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physionomie du Juge plus de mobilité que n’en avait eu, bien certainement, celle de son aïeul ; — quelque chose aussi de plus intellectuel, acquis, dirait-on, aux dépens de la matière sur laquelle les développements de l’esprit agissent à l’instar des acides et des dissolvants. C’est la conséquence générale, et peut-être inévitable du progrès humain, que la puissance animale diminue ainsi à mesure qu’elle est moins nécessaire : et ce progrès qui tend à nous spiritualiser peu à peu, raffine ainsi, l’un après l’autre, les attributs les plus grossiers de notre nature physique. De par cette théorie, le juge Pyncheon pouvait fort bien supporter encore un ou deux siècles de raffinement, et c’est du reste ce qu’on pourrait dire de la plupart de nos contemporains.

Au surplus il existait, entre le Pyncheon d’autrefois et le Pyncheon d’aujourd’hui, des rapports intellectuels et moraux non moins frappants que leur ressemblance matérielle. Tous deux officiellement irréprochables, tous deux objets des mêmes éloges publics, tous deux secrètement poursuivis par des médisances de bas étage. À propos de l’Ancêtre il existait des traditions, à propos du Juge il circulait des commérages qu’on eût dit calqués les uns sur les autres. La tradition affirmait, par exemple, que le Puritain d’autrefois avait toujours été âpre au gain, avide de richesses ; le Juge, lui aussi, malgré l’étalage fastueux de ses libéralités, passait pour avoir la main crochue et dure à la desserre. L’ancêtre affectait une cordialité rude, acceptée par les gens naïfs comme un fier témoignage de chaleureux abandon, perçant à travers l’épaisse cuirasse d’un caractère viril. Son descendant, obéis-