Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/137

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êtes également ma petite parente… Voyons un peu !… Mary ?… Dolly ?… Phœbé ?… Oui c’est bien Phœbé que vous vous nommez… Serait-il bien possible que vous fussiez Phœbé Pyncheon, l’unique enfant de mon cher cousin Arthur, de mon aimable compagnon d’études ?… Ah ! je le retrouve maintenant à ce mouvement de votre bouche… Oui certes, il faudra mieux nous connaître… Je suis de vos parents, ma petite… Vous aurez, à coup sûr, entendu parler du juge Pyncheon ? »

Phœbé n’ayant répondu que par une révérence, le Juge se pencha sur le comptoir avec l’intention bien pardonnable, et même digne d’éloges — vu la différence d’âge et la parenté, — de donner à la jeune fille un affectueux baiser, destiné à inaugurer leur intimité future. Par malheur (sans aucun propos délibéré, du moins sans aucun propos dont Phœbé se fût rendue compte) elle se recula, tout juste au moment décisif, de sorte que son respectable parent, le corps plié en deux, les lèvres au port d’arme, se trouva dans l’absurde situation d’un homme qui perd ses baisers dans le vide. C’était comme un moderne exemplaire d’Ixion caressant la Nue, et la scène était d’autant plus ridicule que le Juge, ennemi de toute chimère, se piquait de ne jamais prendre une ombre pour une réalité. Au fond, — nous donnons ceci comme l’unique excuse de miss Phœbé, — bien que la radieuse bénignité du juge Pyncheon ne fût pas précisément déplaisante au beau sexe, vue à distance et tempérée par l’éloignement, elle devenait un peu trop intense quand ce visage sanguin et bien nourri, ce menton barbu dont aucun rasoir ne pouvait adoucir complétement les piquantes