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qu’Hepzibah eût conservé) constituaient un service devant lequel auraient pu s’asseoir sans dédain les hôtes les plus imposants du vieux colonel Pyncheon. Mais le Puritain lui-même, du fond de son cadre, semblait faire la moue à ces élégances hors de saison, et ne rien trouver d’appétissant à ce repas si soigné.

Pour en rehausser la grâce, Phœbé avait cueilli quelques fleurs arrangées par elle dans un pot à l’eau de cristal qui, ayant perdu son anse, n’en ressemblait que mieux à un porte-bouquets. Les apprêts se trouvaient ainsi terminés ; mais il y avait trois couverts ; un pour Hepzibah, — un pour Phœbé : — quel était l’autre convive attendu par sa cousine ?

L’attitude de celle-ci était étrange ; on pouvait voir frémir sa longue et maigre silhouette, tantôt sur le mur de la cuisine où la renvoyait la flamme du foyer, tantôt sur le parquet du salon où s’étalaient les rayons du soleil. Phœbé ne comprenait rien à toute cette agitation qui se traduisait par les symptômes les plus inconstants, les plus contradictoires. Tantôt c’était une extase de joie et de bonheur. Hepzibah prenait alors Phœbé dans ses bras, et baisant ses joues avec la tendresse d’une mère, semblait y épancher le trop plein de la félicité dont elle était inondée. Le moment d’après, sans aucun motif appréciable, un voile funèbre tombait sur toute cette joie. De temps en temps un rire nerveux, convulsif, plus touchant que toutes les larmes du monde, et après lequel, immédiatement, les larmes coulaient à leur tour ; — à moins, cependant, que le rire et les larmes ne se confondissent, formant autour d’Hepzibah comme une sorte de vague arc-en-ciel moral. Envers Phœbé, nous l’avons dit, elle se montrait plus particulièrement