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voyant ses joues, ordinairement si pâles, rougir à la flamme des fourneaux, — en la voyant guetter la cuisson du maquereau fumant, d’un regard aussi inquiet que si son cœur même était sur le gril, — on était vraiment tenté de s’attendrir.

La vie intime offre peu de perspectives plus agréables que celle d’un déjeuner bien servi. Nous y arrivons à ce moment de la journée où les éléments spirituels et sensuels de notre nature, rafraîchis par le sommeil, imprégnés en quelque sorte de la rosée matinale, se trouvent dans leur plus parfait équilibre. L’estomac et la conscience, également allégés, sont alors mieux en état qu’ils ne seront plus tard de savourer sans peur et sans reproche les jouissances qu’on va nous offrir. Il y a plus d’animation, plus de gaieté autour de la table ; les rapports s’y établissent sur un pied de laisser aller et de franchise qu’ils n’auront pas à l’heure plus avancée du dîner. La petite table d’Hepzibah sur ses pieds hauts et minces, couverte d’une riche toile damassée, ressemblait à un autel d’où s’élevait comme un encens l’odeur du poisson grillé, mêlée au parfum de l’onctueux Moka ; et sur cet autel, les gâteaux de Phœbé, avec leurs teintes qui rappelaient l’Âge d’or, faisaient penser à ce pain métallique si cruellement métamorphosé sous la dent de l’infortuné Midas ; n’oublions pas le beurre, imbu d’une bonne odeur de luzerne, que ses blanches mains avaient battu dans la baratte, et qu’elle avait apporté à sa cousine comme offrande propitiatoire ; il prêtait je ne sais quel charme rustique aux noirs lambris de cette salle. Enfin les porcelaines antiques, les cuillères armoriées, le pot à crème en argent (seul article de vaisselle plate