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ce n’est après avoir éprouvé quelque grand chagrin qui lui permettait d’en apprécier la douceur secrète.

« Est-ce le même clavecin que vous m’avez montré ? demanda Phœbé.

— Le même, dit Hepzibah. C’était celui d’Alice Pyncheon… Au temps où j’apprenais la musique, mon père ne me permettait jamais de l’ouvrir. Aussi, ayant pris l’habitude exclusive de l’instrument que je trouvais chez mon maître, il y a longtemps que j’ai oublié toute ma musique. »

Cessant alors de parler du passé, la vieille demoiselle entretint Phœbé du jeune photographe, de ses habitudes régulières, de ses bonnes façons qui l’avaient déterminée, le voyant un peu gêné, à lui permettre d’occuper un des sept pignons. Mais, plus elle voyait M. Holgrave, moins elle savait se rendre compte du personnage. Il recevait les gens les plus singuliers du monde, des hommes à longue barbe, vêtus de blouses en toile et d’autres nouveautés aussi mal séantes ; des réformateurs qui allaient prêchant la tempérance, et toute espèce de philanthropes à mines rébarbatives ; des communistes, — des vagabonds, autant qu’Hepzibah pouvait croire, — n’acceptant aucunes lois, n’ayant rien à mettre sous la dent, se repaissant de l’odeur des cuisines étrangères, et toujours le nez au vent pour en mieux aspirer les émanations. Quant au photographe, elle avait lu récemment, en quelque feuille populaire, un article où on l’accusait d’avoir prononcé un discours incendiaire devant un meeting de ces gens à tournure de bandits, avec lesquels on le voyait sans cesse aller et venir. Elle avait, pour sa part, quelques motifs de croire qu’il pratiquait le magnétisme