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peine ont-ils épuisé le présent qu’ils se précipitent dans l’avenir, et, marchant au-devant de la Providence, la préviennent sur toutes les démarches des hommes. Ils conduisent un général par la main, et, après l’avoir loué de mille sottises qu’il n’a pas faites, ils lui en préparent mille autres qu’il ne fera pas. Ils font voler les armées comme des grues et tomber les murailles comme des cartons. Ils ont des ponts sur toutes les rivières, des routes secrètes dans toutes les montagnes, des magasins immenses dans les sables brûlants : il ne leur manque que le bon sens. » On voit que les nouvellistes français ne le cédaient en rien à ceux de Rome, et la peinture de Montesquieu n’est que la copie brillante de celle que traçait Tite-Live dix-sept cents ans plus tôt.

Il y avait dans chaque cercle le nouvelliste tant pis et le nouvelliste tant mieux, l’optimiste et le pessimiste. « Démophile, à ma droite, se lamente et s’écrie : Tout est perdu, c’est fini de l’État ; il est du moins sur le penchant de sa ruine… On a fait les plus lourdes fautes… Il débite ses nouvelles, qui sont toutes les plus tristes et les plus désavantageuses que l’on pourrait feindre… Et si vous lui dites que ce bruit est faux et qu’il ne se confirme point, il ne vous écoute pas. Il ajoute qu’un tel général a été tué, et, bien qu’il soit vrai qu’il n’a reçu qu’une légère blessure et que vous l’en assu-