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HISTORIQUE

curiosité ; mais jusqu’au commencement du XVIIe siècle ce n’était que par ouï-dire que les citoyens pouvaient connaître même les événements qui intéressaient le plus leur repos, leur fortune, leur vie. On ne doit donc pas s’étonner si, aux époques de troubles et de révolutions, Paris se répandait dans les rues, et si au besoin de curiosité se joignit bientôt le besoin de polémique : il était impossible que chacun ne dît pas son avis sur les nouvelles qui faisaient l’entretien de la journée. « Quand le savetier a gagné par son travail du matin de quoi se donner un oignon pour le reste du jour, il prend sa longue épée, sa petite cotille, son grand manteau noir, et s’en va sur la place décider des intérêts d’État [1]. » — « Ne savez-vous pas, dit Somaize dans ses Véritables Précieuses, que le peuple tient conseil d’État au coin des rues et sur le Pont-Neuf, et qu’il y gouverne non-seulement la France, mais encore toute l’Europe ? » Et les dissertations se continuaient sous le manteau de la cheminée. « Aujourd’hui, écrivait Mornay vers la fin du XVIe siècle, il n’y a boutique de factoureau, ouvroir d’artisan ni comptoir de clergeau qui ne soit un cabinet de prince et un conseil ordinaire d’État ; il n’y a aujourd’hui si chétif et misérable pédant qui, comme un grenouillon au frais de la

  1. Entretiens du Diable boiteux.