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étant interdite, et un journal, dans leur pensée, n’étant possible qu’à la condition de pouvoir parler librement de quelque chose, ils se mirent à parler de la seule chose dont on pût parler encore, ils parlèrent de la littérature et du théâtre, et sous ce couvert ils donnèrent aux idées proscrites un asile transparent, mais qui fut respecté : le feuilleton triompha des susceptibilités ombrageuses du maître ; les plus hautes questions politiques s’agitèrent impunément dans ses colonnes retentissantes, et tel était le besoin de s’entendre, même à demi-mot, dans ce grand silence, que le succès d’un journal qui parlait pourtant plus souvent de prose et de vers que de gouvernement et de batailles, plus souvent de Racine et de Boileau que de Napoléon et de l’empereur Alexandre, atteignit des proportions jusque-là inconnues.


La Restauration, pour se faire accepter, dut se résigner à de nombreuses concessions ; une assez grande liberté fut d’abord accordée à la presse. Mais, chose étrange ! la Charte donnait le gouvernement constitutionnel, c’est-à-dire la liberté de discussion, et en même temps les hommes de cette charte reprenaient un à un tous les principes de 89, contestaient toutes les nouvelles idées de la société moderne, et voulaient à toute force ramener le pays en arrière. De là une lutte dans laquelle le journa-