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originales qui ajouteraient un ou deux traits, je pense, aux complètes leçons de M. Villemain. Dans une préface de Mélanges tirés de l’allemand, Bonneville (et qui s’aviserait d’aller lire Bonneville si on ne le rencontrait là ?) introduisait dès lors cette manière de crier tout haut famine, et de se poser en mendiant glorieux, rôle que je n’aurais cru que du jour même chez nos grands auteurs. Jusqu’à plus ample recherche, c’est Bonneville qui a droit à l’invention. Mais on était encore en ces années dans l’âge d’or de la maladie, et un honnête homme, Sabatier de Cavaillon, répondant d’avance au vœu de Bonneville, adressait en avril 1786, comme conseils au gouvernement, des observations très-sérieuses sur la nécessité de créer des espions du mérite[1]. « Épier le mérite, le chercher dans la solitude où il médite, percer le voile de la modestie dont il se couvre, et le forcer de se placer dans le rang où il pourrait servir les hommes, serait, à mon avis, un emploi utile à la patrie et digne des meilleurs citoyens. Ce serait une branche de police qui produirait des fruits innombrables… » Voilà l’idée première et toute grossière, me disais-je ; celle de se dénoncer soi-même et de s’octroyer le bâton n’est venue qu’après[2]. »

  1. Esprit des Journaux, avril 1786 (extrait du Journal encyclopédique).
  2. On se rappelle peut-être que Balzac s’avisa, un beau matin, de faire en littérature une promotion de maréchaux de France. Dans une lettre publiée par la Presse et le Siècle, les 18 et 19 août 1829, l’auteur de la Physiologie du mariage et des Contes drolatiques n’allait à rien moins qu’à proposer au gouvernement d’acheter les œuvres des dix ou douze maréchaux de France, c’est-à-dire des écrivains qui offraient à l’exploitation une certaine surface commerciale, à commencer par celles de l’auteur lui-même, qui s’évaluait modestement à deux millions.