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espère, avec ces arrangements, la rendre piquante pour le lecteur, et, afin de lui ôter l’air de vétusté qu’on lui reproche, on la publiera deux fois par semaine (le lundi et le vendredi). On a pour but de faire tomber les gazettes étrangères ; malheureusement le gros du public se laisse plus imposer par le ton républicain que par la véracité du rédacteur. Ainsi, malgré ces précautions, malgré les talents de M. de Sainte-Albine, faiseur de gazettes par excellence, il est à craindre que celle-là ne reste toujours en possession d’ennuyer, pour des raisons que l’on sent facilement.

Et c’est en effet ce qui arriva, si l’on en croit le malin chroniqueur :

Depuis le renouvellement de la Gazette de France, on la trouve détestablement écrite ; on se plaint qu’elle fourmille de contresens, d’amphibologies, qu’elle respire souvent l’ignorance la plus crasse et la plus absurde. On ne pourrait trop assigner à qui la faute ; cependant M. Rémond de Sainte-Albine, le rédacteur, est celui qu’on immole aux clameurs du public : on le prive de son emploi ; on lui donne 3,000 livres de pension. (Septembre 1762.)

La Gazette alors fut confiée à deux hommes aussi connus par la rare amitié qui les a unis pendant vingt-cinq ans que par leur esprit et leur caractère aimable : nous avons nommé Suard et l’abbé Arnaud. Amenés l’un et l’autre à Paris par les mêmes goûts, ils s’étaient rencontrés au milieu de ce monde d’artistes et d’écrivains qui illustraient à cette époque certains salons de la capitale. À peine s’étaient-ils connus qu’il avait été décidé qu’ils vivraient ensemble, et tous deux en effet étaient allés habiter sous le même toit, avec leur ami commun