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sçait presque tous les noms des diables et cocus, parce qu’il est connu des uns et des autres, souhaittoit de sçavoir comment estoit fait celuy qui tenta S. Antoine dans les déserts, et que, luy ayant dit que ton visage avoit bien du rapport avec le sien, selon au moins que nous témoignent les tableaux qui representent cette sainte histoire, sinon que tu n’avois point de cornes à la teste : « Hé bien, répliqua le Grand-Maistre, ne faites aucune difficulté de luy en mettre : il est bien diable et cocu tout ensemble. » Les autres, enfin, conclurent qu’il faisoit voyage à la cour pour obliger le mareschal de Grammont, qui l’a prié instamment de faire à part un volume du Mercure françois, qui contienne l’histoire, la vie, les combats, les victoires, les mémorables actions de cet incomparable guerrier, qui guigne toujours en fuïant et qui est plus heureux au jeu qu’à la guerre. Plutarque dit que les princes ont esté heureux qui ont eu auprès de leurs personnes des hommes capables de décrire leurs belles actions ; Neron ne pouvoit rien faire que Senèque ne pût dire, et Senèque ne pouvoit rien dire que Neron, dans le commencement de son règne, ne pût aussi faire. Le mareschal de Grammont a ce bonheur : il peut conquerir tout le monde, bien qu’il ne le fasse jamais, et Renaudot peut faire le recit de ses prouësses. Mais le plus grand miracle qu’ils puissent faire tous deux, c’est de guérir l’un de la verole, et l’autre des goutes.

Vien-ça, vendeur de Theriaque ; confesse ingenuëment et ne dissimule point, que vas-tu faire à la cour ? Sans doute Mazarin a dessein de t’employer et te faire imprimer des arrêts contre le Parlement. Tu me diras, et il est vray, que tu as perdu ton crédit à Paris, que ta vie y est en horreur à tout le monde, que tes impudicitez y sont découvertes, tes effronteries reconnuës, tes mensonges méprisez. D’ailleurs, tu sçais que maintenant, non-seulement tu passes pour estre peu versé dans les sciences, mais pour estre ignorant tout à fait : deux cents esprits, dont le moindre te surpasse en vertu, en doctrine, en expérience, ont écrit ces jours passez avec autant d’admiration que d’éclat, qui ont donné au public les plus belles choses du monde, et qui, par la splendeur de leur sçavoir éminent, ont ensevely sous les