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Et je m’en repans bien fort, parce que cela m’afflige et m’empesche souvent de dormir, car, sans s’estre communiquez l’un à l’autre, ils ont trouvé la même chose par leur supputation, sçavoir, que je serois fortuné et amasserois force biens soubs le ministère de deux cardinaux ; mais qu’à la mort de l’un je recevrois un grand eschet, et qu’à la disgrâce de l’autre je serois entièrement matté. Or le premier m’est infailliblement arrivé à la mort de deffunct Monseigneur de Richelieu, et j’ay toutes les raisons du monde d’appréhender le second, si la fortune vous tourne le dos : car, outre les horoscopes dont je viens de vous parler, ce diable de Patin, que je n’ay jamais su adjuster à mon pied, depuis qu’il fit rire Messieurs des Requestes de l’Hostel, en m’appelant, à cause de mon nez puant, le Bonaze de Sainct-Hiérosme, ce Patin, dis-je, trouva une prophétie dans Nostradamus qui prédisoit ce qui m’arriva après la mort de défunct Monsieur le Cardinal ; et depuis huit jours en ça on m’en a envoyé une autre qu’on dit qu’il a tirée de la sixiesme centurie d’un vieux manuscrit, laquelle me menasse du gibet, si votre fortune se change.

Sur la demande de Mazarin, Renaudot lui récite le quatrain que nous avons rapporté plus haut, Quand le grand Pan ; et aux plaisanteries du cardinal il répond :

Monseigneur, ne le prenez pas par là : il n’y a point de quoi rire pour moy, non plus qu’il n’y a rien de plus clair quand vous saurez l’histoire ; et si je croyois que la seconde prophétie deust arriver aussi certainement, je n’attendrois pas que l’on me pendist ; je les préviendrois et me pendrois moy-mesme, afin d’éviter l’infamie que mes enfants appréhendent, et que beaucoup de gens désirent, parce que je ne les ai pas traittez comme ils meritoient et selon la vérité dans mes Gazettes, que je n’ay composées que pour satisfaire aux ministres et aux favoris. Or, pour l’intelligence de cette prophétie, V. E. doit sçavoir que les mé-