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collier le griffon dont la peur hérissait le poil plus que ne l’avait fait la nature. Il roulait des yeux sauvages, aussi effrayant qu’un tigre affamé qui, de l’intérieur de sa cage, fixe avidement un visiteur bien nourri du jardin zoologique. Il grinçait les dents et grognait comme pour déchirer et tout dévorer.

Les deux amis attachèrent le griffon à un pied de la table de la cuisine, et Blahnik raconta son entreprise :

— J’ai passé à côté de lui avec mon paquet de foie à la main. Il l’a flairé tout de suite et a sauté sur moi. Je ne lui ai rien donné et j’ai suivi mon chemin, le clebs à mes trousses. Au coin du parc, j’ai tourné dans la rue Bredovska et je lui ai jeté un premier morceau. Il l’a bouffé en marchant, sans cesser de me tenir à l’œil. J’ai pris ensuite la rue Jindrisska, où je lui ai encore donné quelque chose. Puis, quand il a eu tout bouffé, je l’ai attaché à ma chaîne et je l’ai traîné à travers toute la place Venceslas et la colline de Vinohrady jusqu’à Verchovice. Ne me demande pas ce qu’il a fait en route. À un moment donné, pendant que nous traversions la voie du tramway électrique, il s’est couché sur les rails et n’a pas voulu bouger. Probable qu’il voulait se suicider. Tiens, j’ai apporté aussi un pedigree en blanc que j’ai acheté à la papeterie Fuchs. Il s’agit de le remplir et comme tu t’y connais, mon vieux Chvéïk…

— Il faut que ça soit écrit de ta main. Mets-y qu’il est originaire du chenil von Bulov. Comme père, inscris : « Arnheim von Kahlenberg », comme mère « Emma von Trautensdorf, par Siegfried von Busenthal ». Le père a eu le premier prix à l’exposition des griffons d’écurie à Berlin,