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très bien, s’enthousiasmait-il, mais, moi, j’en voudrais dix.

Il parla ensuite des courses de chevaux et passa de là au ballet.

— Est-ce que vous aimez danser le csardas ? Et est-ce que vous connaissez le pas de l’ours ? Tenez, c’est comme ça…

Il tenta de faire le vide autour de lui pour danser et s’écroula sur Chvéïk. Celui-ci le boxa en règle et le déposa ensuite sur la banquette.

— Je sais que je veux quelque chose, cria le feldkurat, mais je ne sais pas ce que c’est. Ne savez-vous pas ce que je veux ?

Il baissa la tête, en proie à une résignation profonde.

— Ce que je veux, ça ne me regarde pas, fit-il gravement, et vous, monsieur, ça ne vous regarde pas non plus. Je ne vous connais pas. De quel droit fixez-vous sur moi vos yeux intelligents ? Êtes-vous capable de me donner satisfaction sur le terrain ?

Cette ardeur belliqueuse ne dura pas longtemps, et il tenta de faire tomber Chvéïk de la banquette.

Son Mentor l’ayant ramené au calme en lui prouvant nettement sa supériorité physique, le feldkurat s’égara dans un autre ordre d’idées :

— Sommes-nous aujourd’hui lundi ou vendredi ?

Il chercha aussi à s’informer si on était au mois de décembre ou de juin, et il fit preuve d’une remarquable mobilité d’esprit en posant les questions les plus diverses :

— Êtes-vous marié ? Aimez-vous le roquefort ? Avez-vous des punaises dans votre chambre ? Votre santé est-elle toujours bonne ? Est-ce que votre petit chien a eu la maladie ?