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L’AMOUR VEILLE

continent de liberté, où la civilisation s’est implantée en terre vierge, où une tradition malsaine et vermoulue n’a pas eu le temps de prendre racine. Nous n’avons pas de passé, nous n’avons ni les pieds ni le cœur entravés dans des institutions contraires au progrès social. Nous ne grandissons que dans le présent et dans l’avenir, et, comme tels, nous ne craignons ni la liberté ni l’égalité ! » (Applaudissements à droite. — Des voix à gauche : « C’est un discours séditieux ! » — Une autre voix : « Des faits ! Des faits ! Assez de phrases ! »)

— Vous voulez que je vous parle d’expérience, continuait Didier. L’expérience, c’est nous qui la faisons. Fouillez l’histoire. Qu’y voyez-vous ? Une ascension graduelle des classes inférieures, une série d’étapes à chacune desquelles se rompt un des liens de l’humanité esclave. Mais, chaque fois que disparaît un anneau de la chaîne, le corps du monde se crispe, ses membres s’agitent, sa bouche crie comme celle d’un malade sentant le bistouri dans ses chairs. Nous sommes à une de ces étapes douloureuses, mais nécessaires, qui verra une fois encore le triomphe de la justice et du bon sens, et la défaite finale des Molochs de la finance et du pouvoir. »

Entrant dans le vif du sujet, Didier développa