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les demi-civilisés

prendre une semaine plus tard ; que Mlle X avait des rendez-vous nocturnes avec un chauffeur de taxi ; que M. Y. communiait tous les matins et que M. Z. ne faisait pas ses pâques ; que les jeunes N. pratiquaient le malthusianisme ; que Mme L. était syphilitique ; que le docteur B., pour édifier les maternités futures, allait planter, chaque matin, à la messe basse, un cierge au pied de la statue de la Vierge ; que Mlle P., comme plusieurs autres de la bonne société, portait le surnom approprié de Quidonnetoutexceptéça.

À chaque anecdote racontée par le débonnaire professeur et sa femme, j’affectais d’excuser, même de glorifier, les travers des gens. Les vieux ne faisaient pas semblant de se froisser, car ils étaient bien élevés et savaient, comme tout leur monde, dissimuler leurs sentiments. Madame Delorme se contenta de me dire, au moment de nous séparer :

— Vous avez développé en vous l’esprit de contradiction. Je ne déteste pas cette tournure qui donne du piquant à la conversation. C’est, dans tous les cas, un moyen certain de se rendre intéressant.

Je la remerciai du compliment, et le professeur reprit en montrant le monument de Wolfe :

— Pas mal, la colonne, hé ? Ça rappelle un malheur français, c’est vrai, mais tout le monde admet, aujourd’hui, qu’il valait mieux qu’il en fût ainsi. Que serions-nous devenus avec la France révolutionnaire ?