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les demi-civilisés

— Et lui ?

— Il a beaucoup d’argent.

— Il n’a que ça ?

Une somptueuse Packard, avec chauffeur en uniforme, passa près de nous, face à l’église du Saint-Cœur-de-Marie.

— Le jeune fou ! s’exclama madame.

— Qui, ça, le jeune fou ?

— Mais Paul Baillard ! Un écervelé qui se ruine en extravagances. Intelligent, mais dissipateur. Les dollars lui fondent dans les doigts comme neige au feu. Ses amis l’exploitent. Toutes les poules de la ville, dont il est friand, se le disputent.

— Qui est-il ? D’où vient-il ?

— Dieu le sait. Il est venu ici des vieux pays, il y a trois ans à peine. On ne sait même pas s’il a de la religion. Les étrangers de cette espèce font du mal à notre jeunesse.

— Je serais curieux de nouer connaissance avec lui, dis-je.

— Il faut fuir les mauvaises compagnies comme la peste.

— Bah ! Il y a peut-être beaucoup de bon dans ce garçon-là. Dans tous les cas, il ne doit pas être embêtant comme certaines bonnes compagnies.

Nous voici vis-à-vis du monument Montcalm. Au pied du grand blessé, que protègent les ailes de la gloire, passe un homme d’âge mûr, front soucieux.