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les demi-civilisés

ouvrit sa fenêtre, fit un bond et se trouva dans la neige blanche comme sa robe. Elle marcha rapidement vers l’apparition, les bras tendus, la poitrine offerte au vent brutal. La vision se mit à glisser devant elle, vers un but inconnu.

Dorothée suivait toujours. La neige la souffletait, et le nord-est agitait frénétiquement la chevelure noire autour des joues de l’amoureuse. Celle-ci s’enfonçait jusqu’aux genoux dans le chemin du mystère, appelée par son guide inconsistant, qui semblait aller de plus en plus vite.

Où allait-elle ? Comment le savoir dans cette nuit tragique, où la nature avait convoqué tous ses cris, toutes ses détresses, toutes ses épouvantes ? Elle allait vers lui. Peu importait le reste !

Combien de temps marcha ainsi l’épousée des neiges ? Deux heures peut-être ! Elle allait, petite forme blanche dans la blancheur mouvante qui l’enserrait de plus en plus fort de son hermine et qui faisait passer comme des rayons de glace à travers ses muscles et ses os. Quand même ! Elle bravait le cruel monarque des pays du nord, l’hiver marmoréen et impitoyable, pour aller, à travers lui, étreindre, avec son âme et sa chair, son fuyant idéal. Et en se battant ainsi contre le colosse blanc pour atteindre l’amour, elle ressemblait à toutes les grandes passions féminines, qui ne connaissent que tempêtes et paradis.