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les demi-civilisés

La nouvelle me bouleversa. Sans prendre le temps de mettre de l’ordre dans mes idées, je m’habillai précipitamment et sortis. J’étais comme fou. Une seule pensée me guidait, un seul projet lucide : tirer Dorothée du couvent, et tout de suite. Il fallait qu’elle sût la mort de son bourreau et qu’elle vînt avec moi, oui, avec moi, qu’elle aimait encore, j’en étais certain.

Je sonnai à la porte du cloître. Une vieille religieuse vint m’ouvrir. Je demandai la supérieure. Celle-ci n’était pas libre. Je ne la vis qu’au bout d’une heure.

— Puis-je vous demander une faveur ? lui dis-je.

— Si c’est possible, certainement, Monsieur.

— Je vous prie de me laisser converser quelques instants avec une de vos postulantes, Mlle Dorothée Meunier.

— Vous n’y songez pas ! Notre chère sœur est en retraite. C’est demain la prise d’habit.

— J’étais l’intime de son père. J’ai un message important pour elle.

— Même si vous étiez son propre père, nous ne permettrions pas à une postulante de déroger à un devoir aussi essentiel que celui du recueillement de la retraite. Vous comprenez, pas de visites !

— Il y a pour cette jeune fille, dis-je en élevant le ton, quelque chose de plus pressant que la retraite et la prise d’habit : il y a sa vie même.

— Voulez-vous dire que sa vie est en danger ?