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les demi-civilisés

critique. Je me rends bien compte moi-même que nos gens n’ont pas été à la hauteur de leur tâche et que nous ne formons pas beaucoup de grands hommes. Vous comprenez ? Ce sera un excellent moyen de ménager l’honneur de ces jeunes gens de talent et de sauvegarder habilement les principes essentiels. »

— Voilà ce que j’ai compris, ajouta Dorothée. Je n’en sais pas plus long.

Elle s’arrêta. Elle avait raconté l’entretien avec une grande fidélité, bien que des détails lui eussent échappé. Je la regardais avec intensité, de toute mon âme. Elle avait toujours son petit visage ferme, si expressif et original, ses yeux légèrement bridés à la japonaise, son joli nez aux narines frémissantes, sa bouche sensuelle et dédaigneuse, ses cheveux noirs, dont les boucles courtes lui tombaient sur le cou, son inimitable sourire.

Et quelle élégance dans sa mise, cette élégance que j’avais tant aimée chez elle, dès les premiers temps de notre amour. Comme on était aux premiers jours d’octobre, et qu’il faisait froid, elle avait mis un manteau à col d’écureuil, et la fourrure douce, en forme de collerette, lui moulait les épaules et le dos jusqu’à la taille. Elle avait cette attitude droite, fine, élancée, légère, qui est, chez la femme, caractéristique de bonne et fière race.

J’étais si heureux de la regarder que j’avais peur de rompre le charme en parlant. Il me semblait que plus