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les demi-civilisés

Chez les êtres qui ont accroché leur cerveau à une patère, au lieu de leur chapeau, et qui croient que la tête est un appendice non seulement inutile, mais nuisible, les toquades ridicules ont le champ libre.

Deux à trois cents membres de la Ligue de Charité, armés de cannes et hurlant : « Ils moissonnent dans l’allégresse », leur chant le plus original, se réunirent devant notre immeuble. J’ouvris ma fenêtre et entendis : « Chou, Lillois ! Montre-toi, fumier, qu’on te casse la gueule ! » Sur une large pancarte, portée au bout d’un bâton, on lisait la devise de la Ligue : « Aimez-vous les uns les autres. »

J’appelai Hermann et lui dis :

— Écoute ! Cette foule veut te faire un mauvais parti. Je te prie de ne pas bouger d’ici avant que j’aie appelé la police.

— Moi ? Pas du tout ! Je sors, et tout de suite.

— Tu ne vas pas te risquer. Reste tranquille !

— J’y vais. Le maudit Franças va affronter les fils des Croisés !

Il prit son chapeau, sa canne et descendit l’escalier, nos bureaux étant au deuxième.

Ce que voyant, Lucien le suivit.

— Je ne laisserai pas, dit-il, un camarade seul devant ces jeunes crétins.

Pendant que je téléphonais au chef de police, j’entendis des cris sauvages, des bruits de vitres cassées, des piétinements. Le message terminé, je courus à la