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les demi-civilisés

répétait le mot fameux de Montalembert : « Nous sommes les fils des croisés, nous ne reculerons pas devant les fils de Voltaire ! » Mot que Lucien accueillit par cette remarque : « Ce fils de Croisé, auteur de la citation, se cachait dans les bois, en 1917, pour échapper au service militaire. » L’article continuait sur ce ton. On y disait, entre autres nouveautés, que Lillois représentait, non pas la France admirable de saint Louis et de Louis XIV, mais la France de la pourriture, des encyclopédistes, des Diderot, des d’Alembert, des Arouet, des terroristes, des Renan, des Anatole France, des Gide, des stercoraires Zola et Pierre Louÿs, des cafés-concerts, des débauchés de la Butte, bref, de tous les vices qui feraient pâlir Sodome et Gomorrhe.

Le dimanche suivant, dénonciations du haut des chaires. Cinq cents villages entendirent le même anathème contre l’étranger infâme qui osait juger des Canadiens.

Un peu partout, dans les rues des villes et sur les chemins poudreux des campagnes, on chanta le refrain : « Le maudit Franças ! Le maudit Franças ! Tous les échos répétaient : « Le maudit Franças ! Les oiseaux se cachaient derrière les branches pour pépier : « Maudit… dit, dit, dit Franças ! Les chiens eux-mêmes avaient l’air de comprendre qu’on avait fait injure à leurs maîtres et jappaient leur colère en franças, à côté des poteaux de téléphone, en qui le vent modulait des insultes.