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libertins, ce n’était qu’un effort pour chasser de ma pensée celle qui n’en voulut jamais sortir.

Certaines théories d’Hermann, si intelligent et sympathique pourtant, avaient sur mon esprit une trop forte influence. C’est lui qui me disait, dans ce temps-là :

— Les romantiques ont fait de la femme un mystère tragique, redoutable, une sorte d’humanité à part sur laquelle planerait la fatalité. De cet être adorable et frêle, ils ont créé un dieu imaginaire, à la fois cruel et doux, un génie de malice et de bonté, auprès duquel le monde masculin ne serait qu’enfance, débilité. La lecture de certains romantiques, auxquels je me plaisais, dans ma jeunesse, m’avait inspiré envers elle les craintes, les superstitions et respects qui font les faibles. Je crois que l’âme nourrie exclusivement de tels livres est vouée à la défaite aussi longtemps que l’expérience ne l’a pas ramenée à la réalité.

La réalité, c’est que les femmes ne sont que charme et faiblesse. Faites pour être conquises, dominées, brisées, elles ont un besoin physique de servitude. Du moment que vous paraissez admettre qu’elles peuvent avoir le pas sur vous, leur audace ne connaît même plus les bornes de la tyrannie. Il n’existe pas de créatures mieux préparées qu’elles à profiter de votre soumission ou de la débilité de votre caractère. On devrait donner ce conseil à tout homme : « Aimez-les ! Aimez-les jusqu’à l’ivresse ! Ne les adorez jamais ! Vous êtes le maître, con-