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les demi-civilisés

À cause de ses yeux candides et de ses petites poses douloureuses, Maryse me semblait plutôt de la famille des Iphigénies que de celle des Cléopâtres.

— Je parie, insistait Lucien, que tu as cru Dorothée plus dominatrice, plus maîtresse de la vie, parce qu’elle affiche plus de hardiesse, plus de gaîté… C’est ce qui te trompe.

À ce nom de Dorothée, mon cœur se serra. Je chassai son souvenir en demandant Maryse à danser. La radio nous apportait, de Chicago, une plainte sensuelle et langoureuse de Saxophones. Nous foxtrottions silencieusement autour d’une table pleine de verres, tout en écoutant les propos des invités. Dumont, qui buvait courageusement, avait la parole :

— Toute ma vie, je n’aurai été qu’un pauvre gueux. Je me saoule de péchés et me flagelle de remords. Mes fautes, je les aime, parce qu’elles me donnent l’occasion de m’humilier, de me tremper le front dans la boue du chemin et de me battre la poitrine en me disant que je suis un voyou. Vous autres, muscadins, vous ne connaissez pas ça, le remords d’être une ordure, parce que jamais vous n’avez eu le courage de mettre votre âme en face de la bête que vous portez en vous.

Puis s’adressant à moi brusquement :

— Toi, Max, ta vie est trop propre pour que tu sois complet. Tu n’as pas même eu l’opprobre du vice solitaire, car les femmes t’ont aimé avant de te donner le temps de te consumer en désirs. Tu ne con-