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— Ce qui m’intéresse, moi, c’est que vous gagnez trois fois plus en six jours que votre camarade russe en un mois.

— D’accord. Paris ne s’est pas fait en un jour… mais au moins, avec le régime nouveau, on met fin à l’exploitation de l’homme par l’homme.

— Il faudrait aussi mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’État, quand celui-ci est l’unique patron et a sur chacun des droits de vie et de mort… Et puis, ce que vous appelez exploitation est encore un de ces mots faciles dont la propagande rouge fausse souvent la signification. Car le mécanicien qui gagne plus de trois mille dollars par année n’est pas précisément exploité, mais utilisé et rémunéré en échange d’un service volontaire, c’est-à-dire libre.

Cet ouvrier intelligent avec lequel je discutais ainsi ne tarda pas à comprendre que la série des mots-clefs propagés par l’internationale rouge fait partie d’un dictionnaire où toutes les définitions sont délibérément corrompues.

Le plus admirable tour de force de ces étranges linguistes fut de faire accepter Démocratie de l’Est pour désigner l’autocratie russe, par opposition à Démocraties de l’Ouest. Comme si on pouvait mettre en balance les pays de toutes les libertés, que sont les nôtres, avec les pays de toutes les servitudes qui sont les États totalitaires et antilibéraux.

Après la conférence de Moscou, qui se terminait, à la fin d’avril, par un échec lamentable, des commentateurs de la presse et de la radio parlaient sans rire de la rivalité qui s’était manifestée entre « les deux grandes démocraties », États-Unis et Russie.

Il faut que le mal soit bien profond pour qu’on en soit venu à concéder le titre de démocratie à des régimes essentiellement antidémocratiques. Le plus décevant, c’est que des hommes intelligents s’y soient laissé prendre.

Depuis longtemps, le mot d’ordre a été donné d’obscurcir les intelligences et d’abêtir la raison. Il est de tradition,

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