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Mis aujourd’hui en présence d’un impérialisme slave qui ne comprend rien à la liberté individuelle et qui n’a aucune conception de l’idée démocratique, les États-Unis ne peuvent se soustraire à leur mission. C’est pour eux un devoir de servir de point d’appui à toute cette civilisation occidentale qui doit se poursuivre dans le sens des institutions franco-anglaises. Que cet appui se dérobe à l’heure actuelle, et tout de suite nous assistons à l’écroulement d’un monde.

En effet, le jour où la voix américaine refuserait d’user de l’autorité prépondérante que lui donne la supériorité matérielle, ce jour-là, une autre voix se ferait entendre, toute seule, dans le conseil des nations réduites au silence. J’espère qu’on n’aura pas la naïveté de croire que la Russie ne profiterait pas au maximum de l’absence des États-Unis. Il lui serait relativement facile de projeter l’ombre du Kremlin jusqu’à Paris, de faire de la Méditerranée un lac soviétique, de donner la Chine aux factions rouges et, ainsi installée en maîtresse sur les deux continents les plus peuplés, de susciter à toute l’Amérique d’insurmontables difficultés.

Les puissances orientales ou asiatiques, dont fait partie la Russie, sont d’autant plus sensibles à la propagande faite par cette dernière contre l’Occident qu’elles ont eu souvent à se plaindre des peuples blancs. Les préjugés de race aidant, il devient doublement facile de faire revivre une longue histoire de fautes, de crimes et de maladresses. Pensons à ce que représenterait, pour les puissances occidentales, la malveillance agressive d’un milliard d’êtres humains — en Chine, aux Indes, en Russie, en Asie Mineure, en Afrique — convaincus d’avoir des affronts séculaires à venger et de posséder la meilleure formule du gouvernement des hommes. Il n’y a là rien de bien réconfortant. Il faut pourtant être aveugle pour croire impossible cette tragique coalition dont les éléments disparates ne demandent qu’un peu d’organisation pour se solidariser. Car le monde est devenu très petit. Espérons que, pour éloigner un tel danger, les Nations-Unies soient autre chose qu’une

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