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de vigueur, on retient sa respiration, au lieu de la laisser aller. De même le sang jaillit avec plus d’abondance des veines du front et de la langue, quand on comprime le cou, ou quand on retient son souffle.

Il m’est arrivé quelquefois d’ouvrir la poitrine et le péricarde d’un homme qu’on venait d’étrangler, deux heures après l’exécution, avant que la rougeur de la face ait disparu : je montrais aux nombreux assistants l’oreillette droite du cœur et les poumons énormément distendus et remplis de sang. Mais surtout l’oreillette, grosse comme le poing d’un homme vigoureux, était tellement gonflée qu’elle semblait devoir se rompre. Le jour suivant, le corps étant complètement refroidi, cette masse de sang s’était répandue dans les vaisseaux : le gonflement de l’oreillette avait disparu.

Ainsi, par cette expérience comme par les autres, il est suffisamment prouvé que le sang arrive à la base du cœur par toutes les veines : s’il ne trouvait pas un passage, il s’amasserait en d’autres points ou étoufferait le cœur : réciproquement, s’il ne pouvait passer par les artères et s’il allait s’amasser dans le cœur, le cœur serait violemment comprimé.

J’ajouterai une autre observation : un grand seigneur, chevalier de la Toison-d’Or, Robert Darcy, gendre d’un de mes grands amis, très savant et très illustre médecin, le docteur Argent, se plaignait souvent, à mesure qu’il avançait en âge, d’une oppression de poitrine très douloureuse, surtout la nuit. Aussi, craignant une lipothymie et une suffocation par paroxysme, menait-il une vie inquiète et pleine d’angoisses. Il tenta en vain beaucoup de remèdes, demandant des conseils à tous les médecins. Enfin, la maladie s’aggravant, il devint cachectique, hydropique, et, finalement, suf-