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nous-mêmes en opérant sur une anguille, expérience rapportée dans notre traité sur les mouvements du sang. Pour éclaircir encore ce point obscur, je rappellerai deux expériences, parmi toutes celles dont j’ai parlé précédemment, qui démontrent que le sang va des veines au cœur, emporté par un mouvement continu et très puissant.

En présence de beaucoup de grands seigneurs et du roi, mon très gracieux maître, ayant dénudé la veine jugulaire interne d’une biche vivante, l’ayant divisée et séparée par le milieu, c’est à peine si nous vîmes sortir quelques gouttes de sang du bout inférieur, qui dépassait la clavicule, tandis que par l’autre orifice de la veine, le sang s’élançait avec force et jaillissait hors du cou par un jet continu. On peut voir le même fait dans la phlébotomie. Si on comprime un peu la veine avec le doigt au-dessous de l’orifice, aussitôt le sang s’arrête ; et, dès qu’on a cessé de comprimer, il s’écoule avec la même abondance qu’auparavant.

Sur une grosse veine quelconque de l’avant-bras, on peut voir un fait analogue : si on porte la main en haut, et si on exprime autant que possible tout le sang qui en vient, la veine s’affaisse et semble n’être plus qu’un sillon de la peau ; mais si l’on en comprime un point quelconque avec le bout du doigt, on verra aussitôt la partie tournée du côté de la main se gonfler et se remplir du sang qui vient de la main. C’est pourquoi, lorsqu’on retient son souffle et qu’on comprime les poumons en y accumulant beaucoup d’air, les vaisseaux thoraciques sont comprimés, et le sang s’amasse dans les vaisseaux de la figure et des yeux qui deviennent très rouges.

C’est pourquoi (comme l’a remarqué Aristote dans ses Problèmes), lorsqu’on veut faire un acte de force et