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nora l’énigmatique

— Pas notre prisonnier ? s’écria Édouard Lanieu.

— Lui-même… Commences-tu à comprendre ? répondit l’Italienne.

— J’comprends que j’comprends ! dit plaisamment le sergent.

— Laisse-moi continuer mon récit ; je veux tout dire, reprit Nora.

Je quittais donc l’Italie. J’ai donné des concerts un peu partout en Europe. J’ai chanté à la Monnaie de Bruxelles, au Covent Garden de Londres et même à l’Opéra de Paris. J’avais de beaux succès, mais je ne parvenais toujours pas aux toutes premières places. Je commençais à comprendre que je n’y parviendrais jamais. La vie, loin de l’étouffement fasciste, redevenait belle. Imagine, n’est-ce pas, vivre à Paris, presque toujours ! Et dans de bonnes conditions. Je gagnais de l’argent, non pas des sommes folles, mais assez pour me payer le luxe assez raisonnable que je désirais.

Tout de même, ce n’était pas le bonheur. Je n’avais pas les triomphes que j’ambitionnais. Bien plus, ma voix faiblissait : je le sentais à des signes encore imperceptibles aux autres. Les spécialistes n’y comprenaient pas grand chose, mais soupçonnaient des causes qu’ils m’expliquaient en termes savants et compliqués. Mon art finit par ne plus me suffire, puisqu’il menaçait de me trahir. Je cherchais autre chose, je ne savais quoi. Inquiète, tourmentée, je ne savais où me diriger…

Parmi mes amis, du même genre que ceux de Naples autrefois, il s’en trouvait un qui me vouait une affection tenace. Romancier, de caractère tranquille et plutôt timide, il m’aimait comme un bon chien. Très intelligent,