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portés dans leur tourbillon. Ils ne peuvent avoir qu’une conclusion et tu la vois comme moi… Je t’ai dit, en un autre moment tragique, mais moins que celui-ci : pourquoi ne pouvons-nous être heureux ? Je te le redis, ce soir.

— Mais pourquoi, en effet Édouard ? s’écria l’Italienne d’une voix où perçait une supplication. Si tu le veux, nous le serons.

Il eut un geste découragé.

— Qu’y puis-je ? reprit-il. J’aimais une jeune fille simple… Tes sautes d’humeur correspondaient à ton type et ne relevaient pas d’une psychologie exceptionnelle… Je trouve maintenant en toi une femme tellement peu ordinaire !

— Comprends donc, mon chéri, supplia Nora, que les événements sont plus grands que moi ! Je ne suis qu’une petite fille, au fond !

— Une petite fille qui mène deux grands états-majors et sur qui a reposé le sort des batailles ! Comprends, de ton côté, que cette pensée m’affole. Je ne suis qu’un pauvre sergent, moi ! Je nous voulais un bonheur humble… Tu ne pourrais t’en contenter, toi qui as connu l’enivrement des grandes choses.

Ils arrivaient auprès d’un banc adossé à un arbre.

— Asseyons-nous ici, veux-tu ? dit Nora… Écoute, je vais te raconter ma vie. Je ne l’ai jamais fait, bien que, toi, tu m’aies tout confié. Mais je ne pouvais pas, alors. À présent, je peux. Tu comprendras pourquoi j’ai été entraînée vers les grandes choses, comme tu dis. Tu comprendras, surtout, qu’elles ne sont qu’un accident en ma vie et que j’aspire à en sortir… Décidément, ajouta-t-elle en souriant, je me serai racontée, aujourd’hui !