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LA PEUR

l’abandonne. Il s’affale, peu à peu, puis tout d’un coup, sur ses talons. Il regarde la porte.

— Non ! non ! Blasquez ne viendra pas, tu ne sortiras plus, et tu es dans ta tombe. Regarde-la une dernière fois, pendant qu’il y fait clair. Tu ne verras plus la clarté. Mais tes victimes, ces deux-ci, qui sont des mortes, savent voir tout, dans les ténèbres, et je les accroche au mur, pour qu’elles jouissent de ta peur, jusqu’à ce que ta soif les fasse jouir de ta mort.

Un clou est là ; avant d’y suspendre le cadre, je baise pieusement la double image et les larmes me viennent aux paupières : toute ma colère est tombée.

— Douces chéries, je me sépare de vos portraits, mais vous êtes mieux peintes dans mon cœur ; et cette plume bleue, souvenir de votre dernière fête, je vous la rends aussi ; je n’ai plus rien à vous offrir, puisque je vous ai déjà sacrifié ma vie et celle de vos meurtriers ; il ne me restait de vous que ces reliques, et je les donne de bon cœur pour que vous soyez mieux présentes…

Je suspends le cadre et la plume.