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L’AGENDA

j’ai lu ma mort dans ses yeux. Il remue les lèvres pour répéter : « Ta peau… J’aurai ta peau. » J’étais troublé tellement que je ne sais ce que j’ai dit dans ma déposition. Le président a dû me rassurer. Les assassins sont condamnés, l’un à perpétuité, l’autre à vingt ans ; mais le petit boucher, qui débute, et qui n’a tué ni moi ni le passant, obtient seulement six mois. Voilà bien ma chance !

24 novembre. — Deux fois, cette nuit, la voix du petit boucher m’a réveillé ; il criait : « Ta peau !… ta peau !… »

25 novembre. — Mauvaise nuit, insomnie : je compte les heures. Je n’en ai plus guère à vivre. Encore six mois, et on me tuera. Pourtant, je n’ai rien fait de mal.

26 novembre. — Lubert vient de m’apprendre une bonne chose : c’est que le petit boucher devra purger sa précédente condamnation, qui était de deux mois ; cela me fait deux mois de plus à vivre ; mais de quelle existence ! Je ne songe plus du tout à mon avancement.

31 décembre. — J’ai beaucoup maigri. Les bureaux sont fermés ; à trois heures, défilé