Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
LA PEUR

désirable. Sans doute, les virginités obligatoires, dès qu’elles sont un peu savantes ou seulement curieuses, aiment à s’offrir des revanches : privées du fruit défendu, elles s’égaient de nous le présenter à leur tour, et se vengent en nous imposant la sagesse qu’on leur impose. En fut-il toujours de la sorte ? Peut-être oui, peut-être non : tout va vite, même les filles…

— Vous ne perdez pas un seul de mes mouvements, monsieur Tantale, et je le sens ! Avez-vous bien dormi ? Ma présence vous a un peu gêné, pas vrai ? Dormir à un mètre du paradis, c’est dommage, et je vous plains de tout mon cœur. La loi veut cela. N’est-ce pas que je suis belle ?

Comme pour s’étirer, elle redressait son buste, en effaçant les épaules, cambrait la taille, et sa ferme poitrine s’acheminait vers moi.

— Bien tentant, avouez-le ? Je le sais. Je me doute. Nous en savons plus qu’on ne pense.

— Et vous y pensez plus qu’on ne croit ?

— À quoi penserions-nous si ce n’est à l’amour ? Messieurs, le droit de vivre est-