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RÊVE

À Léon Cladel.



J e rappelle un soir de rage et d’hystérie
Où, soûl de notre amour et bleui de baisers,
J’étais tombé d’un bloc, pâmé, l’âme tarie,
Le cœur vide et les reins brisés.

Je dormais. Et noyé dans l’extase des rêves,
J’évoquais l’idéal d’un paradis charnel
Où de blondes houris, belles comme des Eves,
Donnaient le coït éternel.

Lascivement, sous la transparence des voiles,
Les nombrils caressants me baisaient au nombril,
Et passaient plus nombreux que le troupeau d’étoiles
Qui passe au ciel des nuits d’avril.