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LA VIE INTÉRIEURE.

Nos râles attendris effraieront les hiboux,
Les crapauds gémiront de nous voir nous étreindre,
Et la lune, veilleuse extatique des fous,
Vers le vague horizon descendra pour nous plaindre.


Alors, peut-être, enfin, pour la dernière fois,
Envahis par l’angoisse et l’horreur des cieux blêmes,
Émus de la tristesse amicale des bois,
Nous trouverons des pleurs à verser sur nous-mêmes !

                                  ⁂


Oh ! t’avoir rencontrée aux jours de nos candeurs,
Sauvage, avec des yeux aussi clairs que tes rêves,
Ignorant comme moi le monde et ses laideurs,
Et mêlant tes chansons à la chanson des grèves !


Avoir sur ton front brun débrouillé tes cheveux,
Baisé tes cils câlins et tes lèvres dociles,
Et t’avoir dit : « Veux-tu ? » Tu m’aurais dit : « Je veux. »
Et nous serions partis ensemble pour des îles.