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de la croix, et quelles nuits graves je passais à examiner ma triste conscience, et quelles larmes je versais, dans ces nuits, sur la foule de mes péchés ! Je ne croyais pas que Dieu pût me les pardonner, et il me semblait qu’un miracle allait devant tous me chasser de l’autel si j’osais y monter. Je m’avançais pourtant, dans une immense contrition, et mes genoux tremblaient. Puis, quand le pain sacré avait touché mes lèvres, je me sentais si pardonné, si heureux, si bon ! J’aurais embrassé la terre… Ah ! malheur aux hommes qui détruisent cette foi dans les âmes naïves ! Qu’importe l’existence de Dieu ou la véracité d’un culte, si nous croyons ? — Je ne crois plus. Ma raison, peu à peu, a tué les choses divines : sans que je sache, sans que je voie, l’indifférence et la raison m’ont volé au bon pasteur qui m’accueillait. Lorsque, l’an passé, à Pâques, malgré vos ironies, j’ai voulu retenir le passé qui fuyait et rassembler ma religion agonisante, j’ai senti que l’époque était consommée. Ce fut et ce sera ma dernière communion… »

« Mon cher Desreynes, je te remercie de ta confession, mais je ne puis m’empêcher de la commenter… L’amitié que je voulais, c’était un amour. Je cherchais un ami qui fût incapable de modérer les bonds de son cœur, je voulais un autre moi-même, je voulais ce qui n’est pas ! Si tu ne m’as réellement aimé lorsqu’après notre brouille tu me serras la main, alors, mon cher Georges, puisque tu me permets de t’appeler par ce nom pardonne-moi, ne me condamne pas, je