Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au matin, Desreynes boucla les valises, et sans demander avis, fit atteler une voiture. Arsemar le laissa tout faire et se laissa conduire en souriant : comme ils passaient devant Portici, il sifflota gaiement un air de la Muette.

Depuis la veille, ils n’avaient pas échangé une parole.

Le jour même, ils partirent pour Palerme : Pierre obéissait sans quitter son énigmatique sourire.

Cette ridicule et périlleuse attitude ne pouvait se prolonger ainsi ; Georges parla : on lui répondit, d’un ton ironique, quelque banalité qui voulait mettre un mur.

La nuit vint.

Arsemar, accoudé sur le bastingage, regardait les eaux montueuses dont la sombre épaisseur remuait par myriades le peuple des phosphorescences ; la lune glissait son miroitement sur la pente et dans le creux des flots ; l’écume chantait à la proue. Il humait le vent de la nuit, et se berçait dans les tangages.

La résolution de mourir, qu’il avait gestée sans le savoir, et proclamée dans la démence, cent fois depuis hier il l’avait reprise et arrêtée : non plus gravement, mais avec la rancune taquine d’un espiègle qui veut se venger : restaient seulement à chercher l’occasion et le moyen.

Cependant, l’inéluctable paix de ces deux forces, la mer, la nuit, le gagna peu à peu.

La certitude que bientôt il ne serait plus acheva de