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— Quand donc ?

— Aujourd’hui !

— Demain ?

— Ce soir !

Il le prit dans ses bras ; Arsemar lui rendit son étreinte ; ils se baisèrent près du cou, et, se retenant par les mains, ils se regardèrent l’un l’autre dans les yeux.

— Pauvre cher, je te guérirai, va !

— Et nous resterons ensemble, n’est-ce pas ? On n’est pas sur de se revoir, quand on se quitte.

Pourtant c’était navrant de fuir si tôt un pays où l’on souffrait si bien !

Ils partirent, et dans la nuit arrivèrent à Florence.

Desreynes était résolu, pour une existence nouvelle dans un pays inconnu, à ne plus abandonner son ami aux dangers de la solitude. Il ne le quitterait pas : à toutes les heures et partout, ensemble, afin qu’on s’accoutumât à voir la vérité face à face, et que, par l’habitude, l’amitié rentrât dans leur vie ; la présence du coupable entretiendrait d’abord la jalousie, mais la rancune serait moins dangereuse que l’amour ; elle combattrait l’amour, et peu à peu se diminuerait elle-même par sa propre constance ; enfin, quand à son tour elle achèverait de mourir, elle aurait peut-être déjà tué la passion…

L’expérience sembla justifier ces calculs : Arsemar supportait sans trop de contrainte la compagnie de