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Il se fit heureux.

Et quand la résolution fut arrêtée, alors seulement il la pesa.

Georges serait sacrifié. Mais quoi ? Le châtiment ! Ils ne se reverraient plus ? L’ami manquerait moins que l’amante. « Entre deux maux, il faut choisir le moindre. » Puis, dans son optimisme récent, il allégua que cette séparation ne serait pas sans un remède, et qu’on pourrait se rencontrer encore, seul à seul, peu souvent, à vrai dire, pour ne pas réveiller la mémoire des heures mauvaises, mais par intervalles qui s’espaceraient, et le calme absolu finirait par venir, avec l’âge… Il se tassait dans son égoïsme satisfait, ainsi qu’en un fauteuil moelleux, lorsqu’on est las.

Il se montra plus sociable, presque gai : Georges fut alarmé.

Pierre, sournoisement, continuait à comploter son bonheur,

Il organisa sa vie : comment il retrouverait Merizette, où l’on s’en irait recommencer une existence bénie ; il vendrait sa maison de campagne, achèterait un hôtel à Paris et renouvellerait ses meubles ; elle serait bien contente et l’aimerait sûrement, par repentir un peu, par reconnaissance, et à la fin par seule tendresse. On l’avait trop noircie ; ce n’était qu’une enfant. Quelle joie !

On ne parlerait jamais du vilain jour… Ce serait bien aisé, puisqu’ici même, où il en souffrait tant, il n’y pensait qu’à peine…