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— J’aurais pu l’aimer davantage, pendant que je l’avais !

Pourquoi donc, tel soir, n’avoir pas fait ceci, ou tel autre soir, fait cela ?

— Oh, si je la tenais à cette heure !

Le mal s’empira.

Ce n’était plus seulement dans son âme qu’elle habitait maintenant, mais dans son cerveau maladif, dans sa chair passionnée, dans tout lui. Elle se dressait, superbe et despotique, l’enflammant de désirs qui lui séchaient les lèvres et faisaient courir entre ses épaules un frisson de fièvre amoureuse.

Son cœur lui tapait le torse, dès qu’il mettait le pied sur la gondole lascive ; là, il fermait les yeux, cherchait l’épouse d’une main amollie, et restait sans bouger pendant de longues minutes, avec le bras toujours levé, et croyant sentir sous ses paumes la rondeur des étoffes et la tiédeur du corps aimé.

Un soir, Desreynes apprit qu’Arsemar changeait de chambre ; celle occupée désormais avait été la chambre nuptiale. Georges le devina.

Il suivait avec une tristesse infinie les progrès de ce tourment d’amour. Chaque jour davantage, ces craintes devenaient en lui plus dominantes que son remords ; sans qu’il songeât cependant à s’absoudre, le passé le torturait moins que l’avenir ne l’effrayait : peut-être avait-il pris déjà l’habitude de sa culpabilité, tandis que ses effrois ne dataient que d’hier : la rancœur de son crime, au lieu de le tenir tout entier, ne