ne sait rapprocher les hommes et resserrer les liens. Durant tout le jour, chacun d’eux pensait vingt fois à cette fin du jour. Puis, le lendemain, Pierre retournait à sa grotte, s’accoudait sur les dalles, devant le Ciel et l’Océan, double azur, les deux prunelles de Dieu : immobile en face de la nappe mouvante où courent les reflets, il hypnotisait ses chagrins au miroitement des flots.
Lorsqu’elle a calmé la douleur, la mer indique le devoir.
Cela vint aux premiers soirs de juin. Pierre se demanda brusquement : « L’aimerait-il ? »
Il y rêva jusqu’à la nuit.
Le soir suivant, il songea, avec plus d’angoisse : « L’aimerait-elle ? » Et quand le premier tourment de l’égoïsme fut enfin surmonté, il chercha si son devoir, au cas où ceux-là s’aimeraient, n’était point de se retirer pour leur laisser la place du bonheur.
— Où vais-je ? Nulle part. Qu’espéré-je ? Rien. Que suis-je ? Un mort. Ceux que j’ai aimés n’ont pu faire mon paradis ; si je peux faire le leur, ne le dois-je pas ?
Un instinct, dans cette âme née pour les dévouements, murmurait : « Tu le dois ! »
Mais l’amour damné se révoltait, et bientôt trouvait des raisons pour juger inutile un sacrifice dont personne n’oserait jouir.
— Si tu meurs, le remords les écartera. Un divorce pour qu’ils s’épousent ? Leur félicité te tuera, et le