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Elle cacheta l’enveloppe : « Monsieur le comte d’Arsemar. » Elle remit son gant de suède et descendit.

Pierre avait vu de loin ces préparatifs d’abandon ; il restait fixe, avec de grosses larmes entre les cils, et le cœur lui tremblait dans la poitrine.

Oh ! De quelle joie navrante il eût donné tous les pardons, si la misérable se fût seulement élancée à son cou, en implorant grâce !

C’est maintenant que tout allait finir, et le malheur prenait une forme palpable : cette voiture, le char funèbre ! On allait emporter la morte !

Existe-t-il donc une différence vraie entre les vides laissés autour de nous par ceux qui sont partis, par ceux qui sont défunts ? Possédons-nous plus les absents que les trépassés ? Le mot qu’on jette aux portières closes est le même qu’on laisse aux tombes : « Adieu ! »

Pierre avait toujours frémi dans les départs, car ils étaient pour lui une des manifestations les plus tangibles de la mort.

La voir une dernière fois !

Il se tenait, haletant, sous les feuilles.

Il avait peur de courir vers elle, quand elle paraîtrait, de la prendre aux poignets, de se plonger, de se baigner encore dans ses regards, et de lui dire peut-être, oh ! oui, de lui dire : « Demande-moi donc pardon, je t’aime ! »

Jeanne ne venait toujours point.