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Ce qui, avant tout la charmait dans l’intrigue, c’était la lutte : dans le devoir, la lutte aussi. Être la puissance qui dirige ! Elle regretta confusément d’avoir un adversaire aussi décidé qu’elle-même à ne rien entreprendre ; sa constance eût recueilli plus d’agrément et de mérite, en présence d’un audacieux sans scrupules, et cet homme-là, certes, l’eût trouvée impitoyable, belle d’indignation. Telle, pourtant, cette journée serait attrayante. Voilà qui est vivre ! Elle se complaisait dans l’espérance de ses craintes, et vint à souhaiter, par moments, que le soleil fût déjà couché, et déjà levé. « Demain, à cette heure, nous serons seuls. » Elle rencontrait de la sorte une saveur de perversité dans la satisfaction même de bien faire.

Parfois, elle donnait à Georges un sourire amical, qu’il lui rendait, et qui était pour eux une formule de promesse où se renouvelait leur pacte.

Jeanne, loyalement, était contente et fière d’elle. Même ignorées, les bonnes actions nous laissent devant nous un plaisir d’amour-propre qui nous pousse à les recommencer, moins par réelle vertu que pour nous donner encore le plaisir vaniteux de notre éloge intime.

Merizette eut pour son mari de câlines prévenances, et ces cajoleries lui devinrent si agréables qu’elle en oublia bientôt la cause déterminante ; elle se livrait à ce jeu de tendresse conjugale avec l’entraînement d’une fantaisie inconnue jusque-là et qu’on vient d’inventer ; presque entière elle s’y livrait, et