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rapprochait l’un de l’autre davantage, et de minute en minute, l’un à l’autre, les attachait. Ils s’abandonnaient sans contrainte à l’apaisement de cette affection sereine et dont Pierre demeurait le seul but. L’avenir effrayait moins Jeanne ; il ne l’effrayait déjà plus.

Plus assez, même, jugeait-elle…

D’Arsemar recevait leurs soins avec une gaîté qui lui servait de masque à son bonheur. Jamais ils ne l’avaient tant aimé, elle surtout : il le sentait ; et sans en rechercher exactement la cause, il croyait deviner que l’intervention de son ami n’était pas étrangère à ce bienfait.

— Vous êtes des anges ! Quel dommage que tu t’en ailles, Georges ! D’abord, tu ne peux nous quitter demain.

Il expliqua que l’affaire de Barraton l’obligerait sans doute à les abandonner jusqu’au soir.

La nouvelle ne laissa point de les inquiéter ; puis, brusquement, tout changea en Merizette : elle perçut un plaisir douteux, et sa jeune vertu s’accommoda presque joyeusement de cette journée suprême accordée à l’amusement de lutter dans ses armes neuves. Elle n’avait plus qu’une infime crainte de faillir, mais du moins elle jouirait une dernière fois de cette crainte ; ils vivraient quelques heures dans le chaud frôlement des tentations.

— Pourvu que je sois tentée !

Elle avait peur de n’être plus, le jour suivant, séduite par la douceur et la possibilité de la chute.