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révélait des misères nouvelles ; son cœur suivait sa phrase ; chaque mot était comme un mineur qui davantage creuse un puits.

— Vous m’avez fait pleurer, vous m’avez fait rougir ; je vous ai détesté, je vous déteste. Mais vous rêvez que je vous aime, et votre antique fatuité me compte déjà dans ses derniers triomphes ; ah, je saurai vous détromper.

— Je n’en doute point, madame, et je voudrais seulement demander dans quel but…

— Mon but, mon but, s’écria Jeanne, menaçante, quel est mon but ?

Elle chercha une réponse sans la trouver, car elle ignorait elle-même. Elle se vit stupide en tout ce qu’elle avait dit, et sa colère s’accrut ; mais elle fit un effort pour en contenir les excès.

— Le but, c’est mon bon plaisir ; et le moyen, c’est mon secret.

— Conservez-le, madame.

— Et si je veux vous le dire, m’en empêcherez-vous ? Vous resterez parce que je le veux, et que j’ai dans les mains le pouvoir de vous tenir !

Georges se garda de poser une question.

— Lequel, monsieur ? Courte mémoire, que la vôtre ! Avez-vous oublié certaine lettre, certaine lettre d’amour donnée à une passante, un matin où vous étiez trop pressé pour dater vos épîtres ?

Le besoin de triomphe aveuglait à tel point le sens moral de cette femme, qu’elle ne vit rien, dans la