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ainsi, ne plus être pour elle qu’un objet de haine ou de mépris ? Il cherchait. À Jeanne, il ne gardait nulle rancune, mais il blasphémait contre la destinée impitoyable et ridicule. Oui, de cette fantaisie, faire une haine, dût l’amante en souffrir un peu ! Il trouverait. Partir, avant tout ! N’est-il donc besoin, pour plaire aux femmes, que de les dédaigner ? Quelle pitié que ces petits êtres soient toujours mêlés à la vie, et combien le monde marcherait mieux, sans cette race !

Le lendemain, il accompagna d’Arsemar ; chemin faisant, il déclara avec prudence qu’il serait peut-être obligé avant peu de quitter le Merizet ; il appréhendait certains événements qui le mettraient hors d’état de prolonger davantage un séjour où il avait trouvé des heures si heureuses…

Pierre ne demanda rien, mais cette nouvelle le surprit d’autant plus douloureusement qu’il était inquiet déjà d’un malaise survenu à sa femme.

— J’espère que ce ne sera rien, mais est-ce que tu me quitterais, si elle tombait malade ?

Georges n’osa répondre : Pierre en fut chagriné.

— Enfin, tu sais que tu es libre, mon bon ami.

Ils s’étonnèrent de voir, à deux cents mètres des ateliers, un apprenti qui semblait surveiller la route et qui s’enfuit vers les bâtisses. Quand ils arrivèrent, les ouvriers, de toutes parts, se précipitaient sur le seuil, essuyant leurs larges mains et boutonnant leurs habits des dimanches. Berthaud et les chefs d’équipes s’avançaient les premiers ; le plus âgé des hommes