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sauter à la gorge, le gifler, le mordre : il continuait. Tout à coup, elle se leva, bondissante, les yeux flambants, folle, et se précipita sur lui.

— Ah, tenez ! cria-t-elle.

Face contre face, et comme un serpent dressé, elle dardait sur lui le rayon vibrant de ses prunelles, et ses narines palpitaient ; mais soudain, elle le saisit, en lui plaquant sa tête sur le buste. Elle le serrait dans ses deux bras, de toute sa force décuplée par la fureur, le secouant avec des spasmes, enfonçant dents et ongles dans le drap de l’habit. Desreynes tentait vainement de se dégager. À la fin, les bras se détendirent, d’abondantes larmes coulèrent. Elle répétait :

— Vous ne comprenez donc pas !

Desreynes crut trop bien comprendre. Il fut atterré.

Jeanne râlait, épuisée, toujours en pleurs et les mains liées autour du cou de Georges. Elle ne pouvait plus ; elle ne raisonnait plus. Elle se sentit vaincue ; elle aurait souhaité d’être morte.

Le jeune homme se leva, et, rassemblant tout le calme de sa pensée, sans rien dire, il tendit le bras à la comtesse, qui était maintenant debout. Jeanne obéit à son geste et marchait silencieusement. Elle regardait la terre, mais ses longs cils étaient brouillés de larmes. Elle s’arrêta pour essuyer ses joues. Le couple sortit du bois et traversa les pelouses, droit et morne.

Les domestiques guettaient le retour, cachés derrière les vitres.