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La comtesse parlait à fréquentes reprises de sa toilette de bal, mais n’en voulait pas détailler le secret : une surprise ! Elle avait inventé cela, et le baron en resterait fou.

Le jour de la grande fête approchait.

Une après-midi, comme Georges errait dans la bibliothèque à chercher quelque livre, Jeanne entra.

— Voilà mes amis, dit-elle, quand vous n’êtes pas chez nous.

Elle montrait les rayons où les volumes s’alignaient par milliers.

— Pierre a hérité cela de son oncle, un vieux célibataire, très grave et très léger… Il y a là des choses…

— Des romans ?

— Je les évite : ce sont des envahisseurs ; les lire, c’est remplacer sa propre vie par celle des autres, et je me parais encore trop jeune pour cela… bien que je m’ennuie à mes heures. J’aime mieux l’histoire, les sciences, ce qui fait réfléchir sur soi-même… Je suis une drôle de femme, n’est-ce pas ? D’ailleurs…

Elle s’arrêta, puis, d’un geste décidé, prenant Georges par la main, l’emmena.

— Venez voir !

La salle était vaste et sévère ; dans un coin, se dressait un meuble antique, en chêne sculpté.

Jeanne s’appuya sur le bras du jeune homme, et se pencha vers son oreille.

— L’oncle était un damné libertin ; là, c’est l’enfer ! Georges recula, jouant la terreur ; puis, il se rap-