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Puis, elle voulait plaire ; elle avait, dans son essence femelle, l’instinct de séduire, si commun aux femmes dont la vertu même veut demeurer intacte, cette fonction de coquetterie que la nature laisse dans les plus chastes, comme un rappel de ses droits à l’amour.

Elle voulait plaire. Elle arriva peu à peu à réprimer jusqu’à son besoin de sourire, quand un rapprochement de mots ou d’idées lui rappelait leur intrigue passée ou leur complicité présente. Ainsi, au lieu d’en tromper un seul, elle en trompait deux : cette pensée la mettait en joie.

Non pas qu’elle eût le dessein, ou même le désir d’amener Georges à ses pieds : mais n’était-ce pas, pour le moment du moins, un plaisir suffisant, que de tenir deux hommes à la fois, et de les leurrer, l’un par son amour, l’autre par son indifférence, tous les deux par sa vertu !

Une semaine s’écoula ainsi.

Georges, pas encore, n’était dupe d’une telle déférence à sa prière, mais, jour par jour, son humeur s’en allait. Il reconnaissait Jeanne meilleure qu’il n’avait pensé, et, de plus en plus, mêlait à son hostilité cette reconnaissance d’orgueil que le vainqueur garde au vaincu pour sa défaite. Lui-même, d’ailleurs, feignait un oubli absolu et exagérait son amicale bienveillance.

Jeanne, en constatant ce progrès d’estime, joua son rôle avec plus d’amour.

— Vous vous adorez étrangement, disait-elle. Votre