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du roi, au lieu de les faire remettre à votre frère. » La Bourdonnais en fureur, avec des jurons, répondit que s’il croyait quelqu’un capable de le soupçonner, il le… Friel reprenait tranquillement que le frère de La Bourdonnais était trop connu, et qu’on aurait mieux fait de donner les clefs au dernier officier qu’à lui. Après un moment de silence, La Bourdonnais proféra des accusations contre Dupleix, en criant que s’il avait su, au lieu de hisser le pavillon français sur Madras, il eût imposé une contribution de guerre aux Anglais, et l’affaire faite, leur aurait souhaité le bonsoir.

Sur ces entrefaites, on remit à l’amiral une lettre de Dupleix, qui insistait sur tous les dangers de la reddition de Madras. Il la lut, pesant chaque mot, soupirant à chaque phrase, et se prit à pleurer comme un enfant. L’accès dura près d’un quart d’heure. Un peu remis : « Eh bien ! s’écria-t-il, qu’on me mène à la potence ! » Et se reprenant à la vue de la croix de Saint-Louis attachée sur sa poitrine : « J’irai porter ma tête sur un échafaud. J’ai cru bien faire ; je croyais avoir autorité absolue. J’irai porter mon désintéressement et mon innocence au pied du trône. » Et le voilà de nouveau à verser des larmes et dans une émotion dont on aurait pitié, dit Friel, si on le croyait innocent.

La Bourdonnais jouait son rôle en artiste consommé. Se montrer à tous comme une victime de l’honneur, persuader que dans ce long démêlé, il n’avait pour mobile que la sauvegarde de sa parole, était devenu pour le rebelle une nécessité. C’était pour lui presque une question de vie ou de mort. Il se posait donc plus que jamais en chevalier ignorant de la politique et célé-